Je suis employé dans une importante société. J’ai eu de nombreux problèmes à m’intégrer dans les différents services et postes que j’ai été amené à occuper. Dans mon dernier poste, mon chef de service, une femme, a manifesté ostensiblement qu’elle ne pouvait plus me supporter. Elle a activement cherchée à me faire partir, en critiquant et en dénigrant systématiquement mon travail.
De mon côté, je suis persuadé que ce qui la gêne véritablement, est qu’elle a mal fait son travail. Elle est célibataire, et un de ses proches collaborateurs est un homme, plus jeune qu’elle, dont je crois qu’elle s’est entichée. Par ailleurs, je pense qu’elle a commis un certain nombre d’erreurs professionnelles, dont je suis seul à m’être rendu compte.
Elle le sait, et je pense que c’est ce qui la motive à chercher à m’éliminer de son service. Mais en même temps je suis convaincu, et je crois qu’elle-même en a conscience, que son attitude vis-à-vis de moi est surveillée par sa hiérarchie. Je pense qu’en tant que chef de service, et en tant que femme qui plus est, elle va être jugée dans sa capacité à me manager.
En vérité, la situation que je vis est très pénible : tous les jours, je suis en butte à l’hostilité de mes supérieurs. Manifestement ils cherchent à m’éliminer, à me dégouter de mon travail. Ma cheffe me couvre de sobriquets ridicules et me traite ostensiblement avec mépris.
Mais je dois remarquer plusieurs choses :
La première, c’est que ce n’est pas la première fois que je suis en butte à l’hostilité de mes chefs. En fait, c’est une situation à laquelle j’ai souvent été confronté.
Ensuite, je ressens des émotions, et je suis parti du principe que l’émotion n’est qu’un message de mon inconscient. Je sais donc que, si je n’accepte pas l’émotion comme fondée, et que je déprojette la situation, j’apprendrais forcément quelque chose de mon inconscient.
Que faut-il que je fasse ?
Je vais me dire que, quelle que soit la situation à laquelle je suis confronté, celle-ci devrait m’être indifférente. Je vais partir du principe que, si mon inconscient n’était pas là, en moi, et si ma conscience était seule à percevoir la situation dans laquelle je suis, je serais totalement neutre à tout ce qui m’entoure et m’arrive, quoi que ce soit.
Cette position peut sembler assez radicale. C’est en tout cas l’hypothèse que je dois garder à l’esprit en permanence. Je ne tolèrerais donc en moi aucune émotion suscitée par le monde du travail, et par la situation que j’y vis. Dans tous les cas, je chercherai à réduire mes émotions à zéro.
Pourquoi des étrangers pourraient-ils me faire du mal ? Pourquoi des gens que je ne connais finalement que très peu pourraient m’affecter à ce point ? Pourquoi est-ce que je me sens prisonnier d’une situation que je pourrais, en toute logique, parfaitement quitter ?
Même si ma situation est très difficile, même si le chômage existe et qu’il est difficile de retrouver un emploi, en somme même si j’ai les meilleures raisons du monde de penser que je n’ai pas d’autre choix que de vivre cette situation, je vais partir du principe que je ne devrais pas en souffrir, et que je ne devrais pas avoir peur de quitter mon emploi.
Je vais donc partir du principe que, si j’ai du mal à le quitter, ce n’est pas parce que je ne peux pas le quitter, mais bien parce que pour mon inconscient, ce dont il s’agit est d’une place dans ma famille. Que c’est pour cela que j’ai ce sentiment d’être prise au piège, de ne pas pouvoir en sortir, que ce sera toujours pareil. Je vais partir du principe que la souffrance que je ressens aujourd’hui n’a rien à voir avec la situation actuelle, mais avec une souffrance plus ancienne, que mon inconscient aurait vécu, mais n’aurait jamais pu exprimer, et dont il cherche aujourd’hui à me faire comprendre l’origine.
La situation que je vis est particulièrement difficile à gérer, et toute analyse ou déprojection pourraient sembler contre-nature, puisque je suis effectivement confronté à une attitude hostile. Cela n’a rien d’une imagination de ma part, je sais que c’est vrai, que tout ceci est en train de m’arriver. Dans ces conditions, il serait facile de penser que je suis une victime, que de toute évidence je suis.
Pourquoi aurais-je intérêt à adopter cette attitude ?
En l’occurrence, mon conflit est de nature personnelle. Ma chef a tout autant un problème avec moi que j’en ai un avec elle. Si elle a un problème avec moi, c’est que manifestement elle projette quelque chose sur moi qui fait référence à sa propre famille. Si je déprojette la situation de mon côté, et si elle acceptait de faire un travail personnel de son côté, nous pourrions parfaitement travailler ensemble d’une manière neutre et professionnelle.
Si au contraire mon problème ne correspond pas à un problème personnel, mais est le résultat d’une politique managériale délibérée visant à « faire craquer » certains employés, l’analyse me permettra de me dégager affectivement de la situation. Je pourrais alors choisir de rester malgré les pressions, ou je pourrais chercher à changer de poste. Quoi qu’il en soit, je serais capable de prendre la meilleure décision pour moi, sans être affecté psychologiquement.
Puisque l’analyse me permet de déprojeter toutes mes émotions, je sais que je pourrais, en m’astreignant à cette discipline, désamorcer tout le mal que l’on cherche à me faire. Ainsi, si je parviens à déprojeter correctement, je devrais, au minimum, être capable de mieux gérer les situations dans lesquelles ma hiérarchie, si elle veut me faire craquer, pourrait me mettre. En devenant insensible aux pressions, je préserverai ma santé mentale.
A plus long terme, je pourrais profiter d’une circonstance difficile pour apprendre quelque chose sur moi, ou en tout cas ne pas me laisser détruire.
Puisque mon inconscient plaque sans arrêt sa propre grille de lecture sur les évènements, puisque pour lui le temps n’existe pas, je sais par avance que tout ce qu’il peut vivre aujourd’hui, aussi absurde, violent et insensé que cela puisse paraître, va être réinterprété par lui. Comment va-t-il le réinterpréter ? Puisque cette situation que je vis aujourd’hui ne me parait pas optimale, puisque je ne suis pas heureuse dans cette situation, mais que tous les individus sont rationnels dans le monde, la situation que je vis doit nécessairement optimale pour la société, c’est-à-dire pour ma famille.
Si la situation est optimale dans le cadre de la famille, e que mon inconscient se vit, et vit les autres, comme étant des agents parfaitement informés, omniscients et omnipotents, alors ma famille, mes parents, devaient bien savoir ce qu’ils faisaient quand ils m’ont . C’est-à-dire que de toute façon, mon inconscient va donner du sens à ma vie présente dans le cadre de ma famille. Pour que cet évènement se passe le mieux possible pour moi, j’ai donc tout intérêt à déprojeter ce qui m’arrive au jour le jour d’une manière explicite, de manière à ce que les situations que je vis ne dégénèrent pas en traumatismes trop lourds.
Le travail que je vais exiger de moi va donc être très difficile, puisque malgré toute la réalité de la situation, tout son côté manifeste, inéluctable, je vais devoir me dire tous les jours, d’une part que les personnes qui cherchent à me faire du mal aujourd’hui devraient m’être indifférents, ce qui en soit est déjà difficile malgré tout ce qu’ils me font subir. Ensuite je vais devoir déprojeter, mais qu’elle est d’abord vraie dans ma famille, et que donc
Je vais donc devoir faire abstraction de tout un côté moral, de toute notion de bien et de mal, et me dire qu’il est possible, et que je dois me fixer comme objectif, que les personnes qui me font subir ce que je vis devraient m’être indifférentes.
Je vais devoir partir du principe, complètement aberrent dans ce contexte, que ce que je vis est parfaitement vrai, qu’il est très douloureux, qu’il est parfaitement réel, mais que tous ces adjectifs sont vrais d’abord dans mon passé, et cela même si je n’en ai pas conscience, et même surtout si je n’en ai pas conscience.
Il ne s’agit pas de dire que, puisque je revis toujours la même situation, cette situation doit être de ma faute. Au contraire, il s’agit de dire que puisque je la revis toujours, cette situation est vraie, qu’elle a dû exister, et que justement parce qu’elle est vraie et qu’elle se reproduit fréquemment, elle est d’abord vrai dans ma famille. Autrement dit, il s’agit de me demander quand, puisque cette situation se répète toujours, et qu’elle me semble toujours réelle, elle s’est présentée la première fois.
La bonne réponse à cette question, selon moi, est de réaliser exactement ce que mon émotion me dit, c’est-à-dire que c’est toujours vrai. C’est-à-dire que cela a été vrai de toute éternité, et d’abord, et même surtout, dans ma famille.
A partir du moment où je sais que mon inconscient s’exprime à travers mon émotion, que je l’ai vécu et expérimenté comme vrai à de nombreuses reprises, si j’essaye de déprojeter ma situation au travail et que, malgré tous mes efforts, le sentiment de la réalité de mon malheur continue à me faire souffrir, alors je dois envisager très sérieusement que quelque chose s’est réellement passé dans ma vie, et considérer que c’est cela que mon inconscient cherche à me dire.
Au minimum, je devrais inclure cette possibilité dans le cadre de mon analyse. Encore une fois, c’est l’émotion qui doit guider mon travail, et non ma conscience. Si je court-circuite ce que mon inconscient a à me dire, et que j’applique à mes émotions un discours déjà connu, je ne découvrirai rien de nouveau. Si je me refuse à accepter ou ne serait-ce que considérer l’inconnu comme possible, je ne ferai pas tomber mon émotion, et donc je n’enverrai pas le message à mon inconscient que ma conscience a compris quelque chose. D’autre part, je me priverais d’une bonne occasion de comprendre le problème de mon inconscient, et je me condamnerais à me remettre dans une situation similaire dans un avenir plus ou moins proche.
Comment traduire les émotions dans ma famille ? Je vais partir du principe que mon inconscient s’exprime par images. Mon inconscient utilise mes émotions comme des hiéroglyphes. Si une des images présente dans ce hiéroglyphe est que la situation est réelle, que je ne peux pas m’y soustraire, etc… alors une des clés de mon interprétation devrait être de reconnaître que oui, mes parents ou l’un de mes parents, m’a contraint réellement à tel ou tel rôle, m’a fait subir ceci ou cela, et que je n’ai pas pu m’y soustraire.
Cela ne veut pas pour autant dire que tout est vrai, ou que tout doit se traduire au pied de la lettre. Si je suis la victime d’un viol, je vais ressentir une émotion violente, nécessairement. Est-ce que cela signifie que mon père est un violeur, et m’a violé réellement ? Evidemment non. Pourtant je ressens une émotion. Comment pourrais-je déprojeter cela ? Est-ce qu’il faut que je considère comme vrai quelque chose qui n’est jamais arrivé dans ma famille ? Non. Mais je peux remarquer que toutes les personnes ne réagissent pas de la même manière à un viol. Tous les aspects du viol sont odieux, mais parmi tous ces aspects, certains peuvent m’être plus pénibles que d’autre.
Je peux être obnubilée par le regard du violeur, par le fait que cela se passe la nuit, ou en pleine rue, ou au contraire dans un endroit qui m’était familier, ou par quelqu’un que je connaissais et qui a abusé de ma confiance, etc.
Tous ces aspects représentent des modalités de mon agression, qui n’ont d’importance que parce que mon inconscient voit dans cette agression d’aujourd’hui une agression plus ancienne, et autrement plus importante.
La question que je devrais me poser serait plutôt la suivante : pourquoi un acte, aussi horrible et douloureux qu’il puisse-t-être, devrait me poursuivre toute ma vie ? Pourquoi devrais-je avoir le sentiment qu’il me hante, qu’il fallait nécessairement que cela m’arrive à moi ? Comment cet acte, aussi long qu’il puisse avoir duré, quelques soient les conséquences qu’il ait pu avoir sur ma vie, devrait être insurmontable ?
S’il m’apparaît comme insurmontable, c’est peut-être justement que mon inconscient y reconnait une place dans laquelle ma famille m’a mise, qui m’a été imposée.
Et c’est forcément ma famille qui m’a mise dans cette situation, puisque pour mon inconscient, je suis caractérisée par une fonction, et cette fonction se révèle avec le temps, se matérialise dans le durée, mais été prévue dès le début. Ma place au sein de ma famille est fixée de toute éternité, et