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Gourinchas et Fitoussi

Je viens de regarder une émission que j’avais enregistré, et j’ai stoppé l’image sur les crédits. Je vaque à mes occupations, et en revenant devant l’image, je remarque que j’ai stoppé le défilement sur cette mention: « Chargées de programme Séverine Gourinchas Hava Fitoussi ». C’est curieux. Voilà deux patronymes d’économistes connus. Je me demande s’il elles ont le moindre lien de parenté avec ces deux hommes.

Ce nom de Séverine, dans ce contexte, me rappelle un souvenir: j’avais été invitée à une soirée de nouvel an chez un professeur. Sa fille était présente. Je ne me souviens pas de son prénom, mais dans mon souvenir elle ressemblait beaucoup à une fille que je connaissais de vue de mon collège, et qui, je crois m’en souvenir maintenant, s’appelait Séverine. Grande, mince, de longs cheveux bruns bouclés. Va pour Séverine.

Mes souvenirs sont confus. C’était il y a près de 30 ans maintenant. Je crois vaguement me souvenir qu’à cette soirée il avait été dit que cette jeune femme avait un emploi, peut-être à Paris, était déjà mariée, en l’occurrence à un homme de nationalité étrangère, américain, russe ou anglais, je ne me souviens plus trop, et dans mon souvenir elle avait déjà deux enfants. Mais bien sûr tout cela n’est qu’une reconstruction: la seule chose dont je me souviens absolument, de façon certaine, c’est combien je me suis sentie mal durant toute cette soirée. Et de fait, je commence à ne plus me sentir très bien.

Qu’est-ce que je vois dans ce souvenir? Logiquement, si je ne regarde que le sexe et les positions sociales des protagonistes, le professeur serait mon père, et sa fille serait ma mère. Et il est tout à fait possible que mon inconscient ai vu cela. A la veille d’une nouvelle année, d’une nouvelle vie, un homme et une femme me font naitre et me plongent dans leur monde, un monde qui m’est étranger. Par ma naissance, j’ai créé une place, celle de « fille de son père ». Ce que la soirée me dit, cela pourrait être que cette place que j’ai créée, qui est la mienne, la femme qu’est ma mère affiche l’avoir usurpé. Je déprojette cette interprétation, mais mon malaise persiste. Puisque mon émotion n’est pas tombée, mon interprétation est  fausse, ou tout au moins incomplète.

Si le professeur n’est pas mon père, ou l’homme qu’est mon père, alors c’est ma mère, ou la femme qu’est ma mère. Et de fait, c’est une personne que je vois beaucoup plus souvent, relativement parlant. La personne dont je suis le plus proche, étant enfant, c’est bien entendu ma mère. Mais c’est aussi la personne avec qui je suis le plus, puisque mon père rentre relativement tard de son travail. Par ailleurs, elle a un pouvoir sur moi: l’image de professeur pourrait donc n’être qu’une condensation d’une personne dont la fonction serait de m’éduquer (le rôle de professeur), et qui a un pouvoir sur moi (sexe masculin). Dans ce cas, Séverine, ce personnage qui apparait soudainement dans ce paysage, lors d’une soirée justement, serait mon père, ou l’homme qu’est mon père.

Bien sûr, il s’agit ici d’une femme, mais tout le reste colle assez bien: c’est quelqu’un dont ma mère (le professeur) est très fière. Entre les deux existe un lien affiché de père à fille. Bien sûr, ici je vois dans le professeur ma mère, et dans Séverine mon père, mais à ce détail près, la relation, la structure, est la même. Les deux personnes ont parfaitement réussi leur vie. Ils sont réunis lors de cette soirée, mais ils ont chacun un univers très particulier, qui leur appartient, et dont je ne fais pas partie.

Et comme ces deux personnages sont l’homme et la femme que sont mes parents pour mon inconscient, la relation qui existe entre nous n’est pas due au hasard: c’est eux qui l’ont déterminé. Il faudrait donc en déduire que mes parents ont créé cette situation justement parce qu’elle leur permet de mener la vie qu’ils veulent, sans contrainte, et surtout la contrainte du devoir parental. La vie qu’ils ont est donc la vie qu’ils ont voulu, et que la position dans laquelle ils m’ont placé leur permet d’avoir.