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La Maisonette

En me promenant dans mon quartier, je passe devant une maisonnette. Elle est entourée de trois grands immeubles. Tout d’un coup, quelque chose dans cette maison m’émeut. Peut-être est-ce dû au fait qu’elle est toute petite, perdue au milieu de grands ensembles. Un sentiment de tristesse, un cafard m’envahit.

Je pourrais choisir de ne pas tenir compte de cette émotion. Je pourrais parfaitement l’ignorer: après tout, il ne s’agit là que d’une émotion relativement insignifiante. Il peut être normal, et quasiment anodin de ressentir ce genre de choses. Après tout, je ne suis pas une machine, et c’est dans ma nature d’être humain d’être touchée par le spectacle du monde. Pourtant, il s’agit là d’une émotion, et en tant que telle, elle pourrait parfaitement être analysée. En fait ici, l’analyse est assez facile :

Comment procéder ? La première chose bien sûre est de repérer l’émotion. Je repère que dans cette circonstance je suis émue, alors que je pourrais ne pas l’être. Si je suis émue, c’est que mon inconscient a reconnu dans la situation quelque chose qui lui parle, quelque chose par laquelle il est en train d’exprimer une situation familiale qui lui pose problème.

De quoi s’agit-il, ici ? Je suis émue par une maisonnette entourée de trois grands immeubles.

Mon regard a saisi quatre éléments de même nature. Bien sûr il ne s’agit pas de personnes mais d’habitations. Mais comme l’inconscient raisonne par adjectifs qualificatifs, et non pas par catégories, la distinction entre choses et personnes disparait. Pour l’inconscient, les termes de « personne » et « chose » sont des termes relativement interchangeables.

Donc j’ai sous les yeux quatre éléments. Trois d’entre eux sont beaucoup plus grands que le quatrième.

Si je regarde un peu mieux cette maison et ces immeubles, et que je cherche à définir ce qui suscite mon émotion, je pourrais remarquer par exemple que les trois immeubles entourent la maisonnette des trois côtés.

Ils l’entourent, et on pourrait penser qu’ils la protègent, mais ce qui me frappe particulièrement ce que je remarque sur l’instant est qu’ils semblent plutôt l’écraser, et lui boucher la vue. C’est cela qui a suscité mon émotion : visiblement cette maisonnette n’est pas dans le cadre qui lui conviendrait, elle semble un peu perdue dans un monde pour lequel elle n’est pas adapté.

J’ai repéré une émotion et j’ai cherché à analyser quels sont exactement les sentiments que j’éprouve, ceux qui ont suscité mon émotion. Je vais maintenant retranscrire ses émotions dans le cadre familial.

Consciemment, je sais que je suis en train de parler d’habitations. Mais puisque la distinction objet/personne n’a pas de sens pour mon inconscient, et que je dois chercher à voir dans ces éléments des personnes, je vais parler de ces habitations comme des personnes.

Il y a donc quelqu’un (la maisonnette) de beaucoup plus petit que les personnes qui l’entourent (les immeubles). Quelqu’un de plus petit et d’entouré par des personnes plus grandes, dans une famille, est en général un enfant. Cet enfant pourrait être moi. Si la maisonnette c’est moi, mon inconscient doit voir dans les immeubles qui l’entourent sont mes parents.

Puisque la simple vision de ces habitions m’émeut, c’est que l’agression est résumée dans ce spectacle. Il y a donc quelque chose que mon inconscient est en train de voir dans cette scène qui a du sens pour lui, et qui témoigne d’une agression.

D’où pourrait venir l’agression ici ? Pour le savoir, il me suffit de voir ce que mon émotion me dit.

Je suis un enfant entouré de trois personnes qui sont beaucoup plus grandes que moi, qui me bouchent la vue. Nous sommes tous réunis dans un même espace, mais ils prennent beaucoup plus de place que moi, et nous ne sommes clairement pas du même monde, nous ne sommes pas pareils. Ils m’entourent, et on pourrait penser qu’ils me protègent, mais comment pourraient-ils me protéger, puisque nous sommes si différents ? Par ailleurs, s’ils sont beaucoup plus importants que moi, ils ne peuvent manifestement pas vouloir me protéger, puisque je n’ai aucune importance pour eux. Et surtout, leur présence m’empêche toute « perspective », puisque mon univers se limite, est limité, à leur présence.

Cet exemple est relativement banal, et encore une fois il n’est pas très significatif. Mais il vient de m’apprendre quelque chose sur ce dont souffre mon inconscient et, plus important peut-être, il vient de me donner l’occasion d’apprendre à mon inconscient que je l’ai compris.