J’ai depuis quelques semaines une nouvelle petite amie. Notre relation se passe bien, mais elle me dit avoir besoin de temps, et je suis d’ailleurs tout à fait d’accord pour ne pas presser les choses. Mais de plus en plus, quand nous ne nous appelons pas pendant quelques jours, que je m’ennuie, que je ne sais pas quoi faire, des pensées m’assaillent la concernant. Je m’imagine qu’elle ne veut plus me voir, plus me parler. Ces pensées tournent à l’obsession, et c’est ce qui me gêne.
Il est vrai que je suis dans une histoire d’amour, et donc mes émotions ne devraient pas me poser de problème. L’idée n’est pas que je supprime de ma vie absolument toutes les émotions, mais uniquement celles qui sont problématiques pour moi. Mais justement ici, je sens qu’il y a quelque chose dans mon attitude qui n’est pas normal, qui ne devrait pas exister.
Je peux toujours penser que finalement, il s’agit d’un « signal » que mon inconscient m’envoie pour me dire que cette jeune fille n’est pas la bonne. Mais j’ai également conscience que d’une manière récurrente, les amies qui ont été les plus importantes pour moi ont toujours été celles qui, justement, étaient le moins attachées à moi. Je souffre également de ne pas avoir à ce jour construit de famille, et de toujours chercher dans la famille des autres un équilibre que je devrais pouvoir me créer par moi-même.
Puisque je souffre d’une situation, que quelque chose en moi me dit que cette situation est problématique, qu’elle n’est pas normale, je vais partir du principe que je suis en train de vivre une souffrance, et que cette souffrance fait essentiellement, et même uniquement, à une agression passée.
Je vais donc me dire que ma petite amie, et toute sa manière d’agir vis-à-vis de moi, devrait m’être soit neutre, soit positive. Et je vais partir du principe que tant que je n’aurais pas atteint par la déprojection cet état de fait, tout ce que je pourrais me dire sur sa manière d’agir parle avant toute chose de ma relation avec mes parents.
Dans ce cas précis, le plus simple est d’envisager que le problème se situe dans ma relation avec ma mère, ou plus exactement, la femme qu’est ma mère. Je vais donc réduire ce qui cause mon émotion à sa plus simple structure. Je vais garder tout ce que je ressens, le déconnecter de ma petite amie, et me dire : « il y a une femme, avec laquelle je vis une relation plus ou moins cachée. Cette femme me dit qu’elle a besoin de temps pour savoir si elle m’aime. Je suis prêt à lui laisser ce temps, mais au fond de moi j’ai peur qu’elle ne me choisisse pas. Plus exactement j’ai peur que son choix ne soit pas à mon avantage. Cette femme, c’est ma mère.»
Je vis cette interprétation comme vraie, j’essaye de coller pendant quelques instants, quelques minutes, autant d’éléments possibles de mon émotion à cette interprétation. Les sentiments que j’éprouve vis-à-vis de ma petite amie ? Ceux que j’éprouve vis-à-vis de ma mère. La peur d’être abandonné par elle ? La peur d’être abandonnée par la femme qu’est ma mère, et ainsi de suite. Je vais chercher à translater entièrement tout ce que je peux ressentir vis-à-vis de ma petite amie, et vivre comme vraie que ce sont les sentiments que j’éprouve vis-à-vis de ma mère et que mon inconscient n’a jamais pu exprimer.
Une fois que j’ai fait cela, je vais chercher à voir ce qui se passe. J’ai commencé un dialogue avec mon inconscient, donc il est important que je garde à l’esprit que tout ce qui va me venir à l’esprit dans les minutes qui viennent seront directement lié au travail que je viens d’entreprendre. Que se passe-t-il en moi ? En l’occurrence rien. Aucun souvenir, aucun soulagement.
Pour savoir si quelque chose a changé, Je vais revenir sur ma petite amie, et je vais chercher à me replonger dans la même émotion, pour savoir si quelque chose aurait évolué, sans que je m’en sois rendu compte. En l’occurrence, je retrouve toutes les émotions que j’avais éprouvées auparavant. Je ne parviens pas à me dire que ce que j’éprouve vis-à-vis d’elle est le produit de mon imagination.
J’ai dit que je suis dans une déprojection, et je suis en train de me dire que ce que j’éprouve vis-à-vis d’une femme n’est pas le fruit de mon imagination ? Très bien. Je vais coller à cette phrase, et la translater dans le monde de ma famille. Ce que je perçois dans l’attitude de ma mère n’est pas le fruit de mon imagination, c’est quelque chose qui a réellement existé, c’est-à-dire que j’ai réellement vu, ou compris, que ma mère ne veut plus me voir, ne veut plus me parler. Je déprojette mon émotion en y collant cette interprétation, et je regarde ce qui se passe en moi. Là encore, je suis obligé de revenir sur l’image de ma petite amie pour constater une différence. Mais je continue à voir que c’est elle, et non ma mère qui est en jeu.
Puisque je suis dans une déprojection, et que je ne suis toujours pas neutre vis-à-vis de ma petite amie, mon émotion est donc toujours un message de mon inconscient. Puisqu’il y a une émotion, je sais qu’il y a différentiel d’information qui est d’abord vrai dans le cadre familial.
Que me dis mon inconscient ? C’est ce qu’une femme fait qui crée mon émotion, et non ce que peut faire ma mère. Je vais traduire cela mot à mot dans le cadre familial, et rajouter à mon interprétation une dimension supplémentaire : ce rapport que j’ai avec une femme, et qui me fait souffrir, n’est pas le rapport que j’ai avec ma mère, mais bien avec une femme, qui n’est pas ma mère.
Autrement dit : pour ma mère, je n’existe pas en tant qu’enfant, mais seulement dans ce rôle dans lequel je suis en ce moment. Si ma mère s’était comporté avec moi comme une mère, elle ne m’aurait jamais laissé, ni fait peser sur moi cette incertitude. Le type de relation que je vis aujourd’hui est donc celle que j’ai eue avec la femme qui se trouvait être ma mère.
Je vis cette interprétation comme vraie. Je colle mes émotions à cette interprétation, mais au lieu d’utiliser le terme « ma mère » en déprojetant, je vais dorénavant utiliser son prénom. Ainsi je saurais que je parle, non pas de cette femme qui aurait dû assumer son rôle de mère, mais bien la femme qui a nié que je puisse être son enfant.
Que se passe-t-il ? A ce stade de mon analyse, une partie de mes émotions tombent. Qu’est-ce que cela signifie ? Que jusqu’à cette minute, mes interprétations n’étaient que des théories. Mais puisque mes émotions sont tombées maintenant, je vais garder à l’esprit que ce que je viens de voir du comportement de ma mère est vrai pour mon inconscient, et que donc il doit faire partie de ma conscience.
J’ai dit qu’une partie de mes émotions étaient tombées. Je me suis senti effectivement plus calme. Toutefois, tout n’est pas tombé, je ne suis pas totalement neutre vis-à-vis de l’attitude de ma petite amie. Par exemple, je souffre toujours du fait de ne pas pouvoir la joindre.
Si je cherche à préciser mes émotions, un cas concret me vient à l’esprit : pendant quelques jours, j’ai essayé de la joindre au téléphone, et je n’y suis pas parvenu. Parce que je n’ai pas réussi à la joindre, j’ai commencé à penser à elle de manière excessive. Ce fait continu à me troubler.
Je suis toujours dans le cadre d’une déprojection, et mes émotions ne sont pas totalement tombées. Par ailleurs, je viens de comprendre quelque chose vis-à-vis de ma mère, et spontanément je pense à quelque chose que ma petite amie a fait il y a peu. Cette pensée est donc un message de mon inconscient. Je dois donc analyser cette pensée et la déprojeter.
De quoi s’agit-il ? Je suis dans une relation intime avec une femme, j’essaye de la joindre, et je n’y arrive pas. Puisque mon inconscient se vit comme omniscient et omnipotent, il n’est pas normal que je n’ai pas réussi à faire quelque chose. Si je n’ai pas réussi à la joindre, c’est donc qu’elle ne voulait pas que je puisse la joindre. Je vais considérer qu’il n’y a pas d’action négative pour l’inconscient, mais qu’il n’y a que des actions positives, et qui plus est des actions réussies. Ce qui peut sembler être mon échec est donc sa réussite. Donc, si elle ne voulait pas que je puisse la joindre, c’est qu’elle a voulu que je ne la joigne pas, et qu’elle l’a fait dans un certain but.
Pour savoir quel pouvait être le but qu’elle cherchait à atteindre, il faut que j’observe l’état dans lequel je suis maintenant, et que je considère qu’il est le résultat attendu de l’action qui me fait souffrir.
Quel est l’état dans lequel je me suis trouvé en ne pouvant pas la joindre ? J’ai pensé à elle de manière excessive. Je m’ennuyais, j’étais inoccupé et soudain je me suis trouvé très occupé à penser à elle.
Par glissement de sens, elle m’a forcé, par son attitude être occupé par elle, à m’occuper d’elle, très littéralement. Il y a donc une femme qui ne veut pas que je puisse la joindre, et qui le fait pour que je commence, ou continue, à m‘occuper d’elle d’une manière excessive, c’est à dire d’une manière qui n’est pas normale. Pourquoi ? Tout simplement parce que si ma petite amie est ma mère, et que ma mère joue à se comporter comme ma petite amie, il n’est pas normal que ce soit à moi de m’occuper d’elle, et pas l’inverse.
Pour résumer, mon inconscient est en train de dire que, pendant toutes ces années, il a vu que ma mère n’assumait pas du tout son rôle de mère vis-à-vis de moi, qu’elle créait une relation artificielle dans laquelle nous aurions une relation intime, certes, mais cachée, et qui m’obligeait à m’occuper d’elle, plutôt que de s’occuper de moi.
J’ai déprojeté mes émotions. La gêne que j’éprouvais à être obsédé par l’attitude de ma petite amie est tombée en bonne partie. Je constate pourtant que le fait de n’avoir pas pu la joindre continu à me troubler. J’essaye de déprojeter en me disant que ma mère, que j’appelle en l’occurrence par son prénom, veut m’abandonner, mais rien ne tombe.
Puisque rien ne tombe, peut-être y-t-il dans ce mot, dans l’idée de joindre quelqu’un, quelque chose que mon inconscient voit et que je ne vois pas, quelque chose de l’ordre d’un glissement de sens. Joindre, cela me fait penser à rejoindre. S’il reste une souffrance dans cette idée, c’est que l’agression doit être là. Je vais donc supposer qu’il s’agit moins pour ma mère de me tenir éloigné, que de m’empêcher d’échanger avec elle, et d’abord en termes de rôle, de place, d’importance.
Si cette femme ne veut pas que je puisse la joindre, alors qu’elle ne peut pas ignorer que je souhaite le faire, c’est qu’en fait elle ne veut pas que je devienne adulte, elle veut garder son importance, son statut d’adulte, l’importance qu’elle a dans mon esprit. Puisqu’elle a désiré avoir quelqu’un qui s’occupe d’elle, et que rien ne change pour l’inconscient, elle ne peut pas vouloir que je la quitte, elle ne peut donc pas vouloir que je devienne moi-même adulte, et que je cesse de la considérer comme aussi importante.
Quand je colle cette interprétation à mon émotion, celle-ci tombe immédiatement. Je ne pense plus à rien. La seule chose qui me vient à l’esprit, c’est que je suis content d’une mission que je vais devoir faire demain dans le cadre de mon travail. Je me réjouis en particulier à l’idée de pouvoir sortir, même si je sais par ailleurs que ce genre de mission peut avoir des conséquences importantes pour les personnes que je contrôle, et en particulier dans leur foyer.
Mon travail de déprojection pourrait s’arrêter avec cette émotion, puisqu’elle est positive. Il se trouve qu’au cours de précédentes déprojections, j’avais compris que mon travail de contrôle était également lié à ma famille. En la contrôlant, en délivrant une mauvaise note à mes parents, en publiant, en exprimant mon jugement, je les mets en danger.
Je viens de me rendre compte que ma mère voulait que je m’occupe d’elle. Qu’elle me garde dans une relation cachée, et je sais que ma petite amie est en train de me promettre que la situation sera clarifiée bientôt. J’ai compris que l’enjeu pour ma mère est de me garder dans une relation de domination, et je viens de ressentir une émotion positive à l’idée de sortir. Je vais considérer que cette émotion fait également partie de l’agression, et que mon inconscient est en train de me dire que le moyen qui a été utilisé par ma mère pour que j’accepte cette situation, et que dans un proche avenir, cette situation se terminerait, et que je pourrais vivre ma vie, une fois que j’aurais fini de m’occuper d’elle.
Puisque mon émotion est le signe d’une agression, mon inconscient a dû repérer un mensonge dans ce discours. Et puisque pour l’inconscient tout est une question de fonction, que cette fonction est intemporelle, ma mère doit bien savoir que la place qu’elle me donne aujourd’hui est une place qui me sera dévolue à vie. Elle doit donc savoir parfaitement qu’elle ne veut pas que je cesse de m’occuper d’elle, et que je n’aurais pas d’autre choix que de m’occuper d’elle toute ma vie.
Je déprojette mon plaisir à sortir en mission avec cette analyse. A ce stade, toute émotion a disparu. Je ne ressens plus de douleur à la pensée des actions de ma petite amie. Je peux penser à elle sans souffrir. Je la vois comme elle est, sans souffrance, et mes sentiments n’ont pas changés vis-à-vis d’elle.Je me sens tout simplement plus apaisé.