Récemment, j’ai fait du rangement dans ma bibliothèque, et plutôt que de jeter des livres, j’ai choisi d’en proposer à la vente sur internet. Je reçois un soir un message m’informant qu’une acheteuse a commandé un des livres que je propose, et qu’elle désire un mode de livraison express.
Le prix du livre neuf était de 28 euros, je le vends à 15 euros, et elle a dépensé 17,50 euros de livraison en mode express. Le lendemain, je me rends à la poste. Je me renseigne sur les différents tarifs pour une livraison express. L’employée de la poste me propose une enveloppe Chronopost à 21 euros, puis quand je lui demande quels sont les tarifs en Colissimo, elle me propose un paquet qui serait de l’ordre de 7,50 euros.
J’hésite beaucoup. La différence dans la livraison est de 24 heures environ. Un sentiment de malaise m’envahit. Il m’apparait sur l’instant que si je choisis l’option Colissimo, l’acheteuse n’aura peut-être pas le livre aussi vite qu’elle le souhaiterait. Qui plus est je pourrais faire un gain sur cette transaction, et cela ne serait pas honnête. D’un autre côté, Chronopost garantit la livraison la plus rapide possible, mais les frais d’expédition sont nettement supérieurs à ceux réglés par l’acheteuse.
Finalement je choisis d’expédier le paquet par Chronopost. Pendant toute l’opération, un sentiment de malaise profond m’a envahit et ne me quitte pas. Une fois sortie de la poste, je commence à me demander si l’acheteuse a réellement payé 17,5 euros d’expédition. Rentré chez moi, je vérifie la répartition des frais, et je constate que la vente du livre, une fois les tous frais déduits, me rapportera 8 euros. Un malaise profond s’installe en moi.
Ce malaise que je ressens est quelque chose de l’ordre d’une pensée émotive. Je vais donc partir du principe que mon inconscient cherche à attirer mon attention sur quelque chose qui lui pose problème, quelque chose qui est de l’ordre d’une agression.
De quoi s’agit-il ? Si je réduis les éléments de mon histoire à leur structure de base, et que je cherche à y retrouver une structure familiale, il est facile de voir que le livre doit représenter autre chose que simplement un livre, mais quelque chose de plus large, une valeur qui m’appartient.
Une personne, une femme, m’a remarqué, et elle désire ce que je propose. En y repensant, je ne suis pas surprise du fait qu’elle soit intéressée par mon livre : je le propose à un prix effectivement très bas. Si je poursuis l’analogie entre le livre et moi, je dirais que j’ai dû afficher une valeur très basse pour qu’un acheteur potentiel soit intéressé par mon offre. Cela était déjà en soit révélateur, mais je vais le laisser de côté pour l’instant.
Par contre je me souviens avoir été troublée par le fait qu’elle demande une livraison express, et d’avoir été surprise par le prix élevé que l’acheteuse a accepté de payer pour avoir ce livre le plus vite possible. Il y avait quelque chose dans ce fait quelque chose qui, déjà la veille, m’avait interpelée.
En y réfléchissant, je me rends compte que ce qui m’a dérangé le plus est que non seulement elle veut avoir un livre extrêmement peu cher, mais en plus elle veut l’avoir immédiatement, et qu’elle peut se le permettre parce que mon prix est extrêmement bas. Cette femme ne peut pas ignorer que je vais voir qu’elle me demande quelque chose qu’elle n’aurait pas pu se permettre si j’avais demandé un prix plus élevé, et qui ne cherche pas à le cacher.
Ceci constitue en soit une agression : le plus simple, comme il s’agit d’une femme, est de penser que tout cela est lié à ma mère.
Au lieu de juger mes actes comme simplement idiots et insensés, je vais partir du principe que j’ai fait tout ce que j’ai fait parce que cela était optimum pour mon inconscient, parce que mon inconscient le jugeait comme nécessaire. Je vais considérer que mon inconscient m’a fait agir ainsi pour que je réfléchisse sur ce que j’ai fait, et que j’y vois un message de mon inconscient.
Il fallait donc que je propose ma valeur (« personnelle »), que j’affiche une valeur personnelle bien inférieure à ce qu’elle aurait dû être normalement, pour pouvoir intéresser qui que ce soit, c’est-à-dire mes parents, et plus spécifiquement ma mère.
Et de fait, dans ses conditions ma mère m’accorde effectivement son attention, puisque l’acheteuse se manifeste. Mais elle ne s’intéresse à moi que parce que j’ai quelque chose qu’elle veut, et que je dois lui « donner » (à ce prix-là, c’était effectivement « donné »). Il faut donc que je ne vaille absolument rien pour que ma mère s’intéresse à moi.
Qui est cette femme, cette étrangère qui s’intéresse à ce que j’ai ? C’est une femme que je ne connais pas, et qui demande a être contentée immédiatement. Elle profite du fait que je ne demande pas grand-chose, et en plus exige d’être contentée immédiatement.
Parce qu’elle a déjà une opportunité énorme, et qu’elle demande quelque chose en plus, je pourrais la qualifier de capricieuse. En fait, quand je creuse mon sentiment, je trouve qu’elle abuse. Donc elle abuse de moi.
Puisque je suis dans l’analyse, la valeur que je peux proposer, et qui est vraie de tout temps, depuis que je suis née, la seule chose qui peut me constituer depuis les premiers jours de mon existence, c’est mon statut de fille. Si une femme est intéressée par ma valeur, alors c’est forcément par mon statut de fille qu’elle est intéressée.
Il y a donc une femme, qui est une étrangère, qui devrait être ma mère, et qui pourtant se comporte comme une étrangère. Qui plus est, et justement à cause de cela, elle me réclame la seule chose que j’ai, c’est-à-dire mon statut de fille. En somme, il y a une femme qui ne veut pas être mère et qui ne veut pas que je sois une fille. Elle se comporte vis-à-vis de moi plutôt comme une rivale.
Quand j’ai vidé ma bibliothèque, j’étais persuadée de la nécessité de la vider. J’avais conscience que je n’avais pas assez de place chez moi. Rétrospectivement, je réalise que c’était d’autant plus vrai pour mon conscient que cela l’était pour mon inconscient, puisque je n’ai pas de place dans ma famille.
J’étais également obligée de proposer ce livre à un prix aussi bas, puisque ce livre est mon bien, ma valeur, et que je sais que dans ma famille ma valeur n’intéresse personne, sauf si elle est « donnée ».
Enfin, je sais bien que même si je donne ma valeur, la seule chose que je peux attirer est l’intérêt d’une femme qui ne sera jamais ma mère, mais une étrangère qui ne veux justement pas être ma mère, puisqu’elle veut être la fille de la famille, qui abuse d’une situation, qui se révèle capricieuse et pas du tout responsable.
Si je cherche à faire tomber mon émotion avec mon interprétation, je reste en colère. Cette fois-ci, elle se déplace sur l’intermédiaire grâce auquel j’ai passé mon annonce. Il propose une valeur arbitraire pour un envoi, et cela m’a condamné à rester dans le doute sur le type d’envoi que je devais faire. En fait, avec le système qu’il impose, je ne sais pas si je donne trop ou trop peu, je ne sais pas au juste de combien je dispose pour faire mon envoi, les conditions précises à respecter, etc.
Là encore, je pars du principe que ma colère, aussi justifiée qu’elle puisse être, parle avant tout d’autre chose. Je pars du principe que l’intermédiaire devrait m’être indifférent. Il y a donc une instance supérieure à l’acheteuse ou à moi-même, une autorité qui profite de la situation pour s’enrichir, puisque d’une part elle facture de manière arbitraire et excessive un service, et que d’autre part en ne me donnant pas de directive elle me laisse seule à gérer une situation dans laquelle je souhaiterais ne pas avoir à me trouver.
J’ai trouvé où était ma mère auparavant, et mon émotion s’est déplacée sur quelqu’un, quelque chose d’autre. Le plus simple est de penser que cette autre personne pourrait être mon père, ou plus exactement cet homme qui dit être mon père et qui est en fait étranger.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une entité qui est un intermédiaire entre cette femme (l’acheteuse) et moi. C’est lui qui nous a mis en relation. Il tire un avantage, un profit de notre relation : nous devons toutes les deux lui accorder une valeur, le payer pour le service qu’il nous rend. Par ailleurs, il nous met en relation, mais une fois cela fait, il ne fixe pas de règles claires sur ce que chacune de nous peut demander et obtenir.
L’inconscient voit les autres personnes comme des inconscients. Qui plus est, il voit les autres comme omniscients et omnipotents. Si l’intermédiaire est mon père, ou Mr. Untel, alors il ne peut ignorer la situation dans laquelle il nous place. Et puisque pour l’inconscient il n’y a pas d’erreur et pas d’accident, pour lui cette situation n’est pas qu’un fruit du hasard, elle est délibérée. Et pourquoi le serait-elle ? Eh bien probablement justement parce que de cette manière l’intermédiaire, mon père, Mr. Untel, en tire un avantage : il laisse la responsabilité de la transaction aux deux parties, sans s’impliquer plus avant dans cette relation : il est libre de retirer son profit mais n’en assume aucunement les conséquences.
Une fois ces éléments pris en compte, la colère vis-à-vis de la situation tombe complètement.