Je suis architecte, et je viens de faire un rêve : je dois créer un aménagement intérieur dans une maison existente. Le propriétaire me donne les plans de la maison et, munie de ce plan, je fais le tour de la maison pour essayer de comprendre la structure de la maison, comme cela se fait habituellement. Dans mon rêve, je suis accompagnée d’un ingénieur.
Au fur et à mesure que nous suivons les plans, c’est-à-dire que nous tournons autour de la maison munis des plans que le propriétaire nous a transmis, nous nous rendons compte que ceux-ci ne sont pas exacts : il s’agit bien de la même maison, mais curieusement, pas mal de choses ne sont pas justes. C’est d’ailleurs la première chose qui me viens quand je dois parler de ces plans : ils sont « trompeurs ».
Cela implique que je vais devoir d’abord effectuer ce qu’on appelle dans mon métier un « plan de recollement ». Quand une maison est construite, elle est construite selon des plans. Mais au cours de la construction, des modifications peuvent être effectuées qui n’avaient pas été prévues au départ, et qui ne figurent donc pas sur les plans initiaux. Une fois que la maison est finie, qu’elle a été réalisée, toutes les modifications au plan qui ont pu avoir lieu sont consignées dans le « plan de recollement ». Le plan de recollement consiste donc à retranscrire sur le papier ce qui a été réalisé.
Visiblement, dans mon rêve, ce plan de recollement n’a pas été effectué, et si je veux faire l’aménagement intérieur que je souhaite, il va falloir que je le fasse moi-même.
Spontanément, je déduis de ce rêve qu’il dit ce que je sais déjà de ma famille : la maison est la mienne, je veux changer quelque chose à moi-même, et pour cela il va falloir que je reprenne tout depuis le début, que j’aille voir ce qui a été fait très exactement, ce qui a été changé à la « structure ». Voila une interprétation que je peux faire grâce à des éléments que je connais ou que j’ai déjà compris. A priori, elle me semble coller plutôt bien à mon rêve. Elle est également commode, car elle m’évite d’avoir à analyser ce rêve. Toutefois, même si cette interprétation peut être vraie, elle présente plusieurs désavantages :
Tout d’abord, j’ai plaqué des significations aux éléments de mon rêve de manière un peu hâtive. J’ai voulu y retrouver des significations que je connaissais, et je n’ai pas pris le temps de détailler la structure de ce rêve, ce qu’il me dit très exactement.
En procédant ainsi, je suis en train d’occulter une chose fondamentale : si ce rêve ne disait que des choses connues de moi de façon consciente à l’heure actuelle, je n’aurais même pas eu besoin de le rêver. C’est-à-dire que mon inconscient n’aurait pas eu à utiliser ce rêve pour me dire quelque chose. Or puisque j’ai fait ce rêve, c’est que quelque chose reste à être dit. Et cette chose qui reste à dire ne peut être trouvée que si j’accepte d’analyser ce rêve point à point.
Je vais donc reprendre ce rêve avec moins d’a priori, et revenir à une analyse point à point de mon rêve. De quoi s’agit-il?
D’un projet d’aménagement intérieur. Il ne s’agit pas de construire ma maison, puisqu’il est dit qu’il y a un propriétaire, et que ce propriétaire n’est pas moi, apparemment. Cette maison ne m’appartient donc pas. Cela doit donc être la maison de mes parents.
Voilà déjà un point qui diffère de ma première interprétation. Je pensais que cette maison devait être moi, alors que mon rêve me dit clairement que cette maison ne m’appartient pas.
Je dois faire des travaux d’aménagement intérieur. Pour l’inconscient, la notion de travail, de vie professionnelle, fait toujours référence à la place dans la famille. Pour l’inconscient, mon travail est celui d’être « fils ou fille de », en tout cas « enfant » de mes parents, avec toutes les obligations que cela comporte. C’est le travail que me donne mes parents qui garantit ma survie.
Il y a donc un travail qui m’est demandé, et cela fait référence à la notion d’être l’enfant de mes parents.
Mon travail consiste à aménager un intérieur dans la maison des propriétaires, de mes parents. Si mon travail consiste à aménager mon espace, c’est qu’on me dit que c’est à moi de faire ma place dans la maison de mes parents. Et il semblerait que je vais pouvoir aménager cet espace à mon envie.
Or voilà qu’au moment où je viens accomplir ce travail, le propriétaire me donne des plans « faux ». La notion de « faux » pourraient faire référence à trompeurs, comme je l’ai déjà dit, mais ils pourraient également être une condensation de « pas justes » : quand le terme de « faux » évoque une faute, ou un manquement, le terme de « pas juste » évoque une injustice. Le fait que le propriétaire me donne des plans faux, trompeurs, pas justes, peut donc combiner l’ensemble de ces significations.
Pour l’inconscient, il ne peut y avoir d’erreur ni d’accident. Si le propriétaire me dit que je peux faire un aménagement intérieur, qu’il prétend me laisser libre de le faire et que, paradoxalement, il me confie des plans qui ne sont pas justes, il ne peut l’avoir fait « par hasard ». D’une part il ne peut ignorer que ces plans ne sont pas justes, et il ne peut s’être trompé. Il a donc fait exactement ce qu’il voulait, en toute conscience, et ce faisant, il m’a obligé à « suivre ses plans », et à bien noter que de nombreux aspects « n’étaient pas justes ». Je me suis donc trouvée dans la situation exacte que ce propriétaire voulait que j’occupe.
Les plans du propriétaire sont les plans qui sont sensés traduire une « conception ». En tout cas, ils ne correspondent manifestement pas à la réalité présente. On pourrait dire qu’ils ne correspondent pas à ce qui a été réalisé. Ce qui a été réalisé, c’est également ce qui a été « compris ». S’ils existent, c’est qu’ils ont du correspondre à quelque chose dans le passé, éventuellement au moment de la conception de la maison, voire au moment de ma conception.
Il ne peut pas non plus ignorer que, si je veux effectuer ce travail d’aménagement intérieur, il va bien falloir que j’en passe par faire ce plan de « recollement ». Il y a donc quelque chose dans le plan de recollement qui est important. Il a voulu, il a tout fait pour que je fasse ce plan de recollement. Ce plan de recollement est donc quelque chose d’important dans mon rêve, puisqu’en fin de compte on me fait venir pour cela, avant toute chose.
Il donc exister un glissement de sens sur la notion de recollement: le recollement, cela pourrait vouloir dire que je dois recoller quelque chose qui s’est brisé, qui est cassé, qui est en morceaux. En tout cas, on me fait comprendre qu’il faut que cela soit fait avant que je puisse envisager de faire quoi que ce soit d’autre. Puisque cela concerne la maison de mes parents, cela peut vouloir dire que je dois réparer quelque chose qui s’est brisé entre mes parents, que je dois recoller un couple, et que c’est à ce prix que je pourrais réaliser l’aménagement intérieur dans la maison.
Qu’est-ce que cela signifie ? L’aménagement intérieur doit faire référence à ma place dans la maison de mes parents. On me fait venir, et on me dit que je pourrais me faire la place que je veux, aménager un espace comme je le désire, que je pourrais réaliser mes projets. Et quand je m’apprête à le faire, on me signifie que je dois d’abord effectuer ce « recollement ».
Dans mon métier, tout travail d’aménagement intérieur entraine une modification des charges. La maison a des charges, qui existent et ne changeront pas. L’aménagement intérieur modifie cet équilibre, et entraine une répartition des charges différente. Si je veux faire un aménagement intérieur, je sais que cela va entrainer une répartition différente des charges. C’est en cela que posséder un plan de recollement, qui indique exactement comment les charges sont reparties dans la structures actuelle, est important.
Jusqu’à présent, j’ai analysé mon rêve du point de vue de l’architecte. J’ai donc considéré comme normal le fait de faire un plan de recollement avant les travaux d’aménagement intérieur. J’ai également parfaitement admis que le travail d’aménagement intérieur qui m’est demandé implique une répartition des charges différentes. Tout cela n’est pas anormal dans mon métier. Disons que l’absence de plan de recollement n’est qu’un contretemps, une contrariété, un surcroît de travail qui ne m’empêchera pas de faire ce que je veux.
Mais nous sommes dans le monde de l’inconscient. Il ne s’agit donc pas d’un simple aménagement intérieur : il s’agit de la place physique que je vais occuper dans cette maison, de ma vie. C’est-à-dire que si le propriétaire est mon père, ou d’une manière plus générale mes parents, cet aménagement intérieur aurait déjà dû être fait. C’est la place qui aurait dû m’être ménagée dans la vie, dans la maison de mes parents, dès avant ma naissance.
Ce travail de recollement ne devrait pas être à faire, il aurait dû être fait depuis longtemps. Il ne devrait pas être fait par moi. Et la perspective de charges à partager, à redistribuer, si je veux faire cet aménagement intérieur que je veux, ne devrais pas non plus exister : si je suis une enfant, je ne peux me charger de quoi que ce soit. Or c’est bien ce qu’on veux que je fasse.
Allons plus loin. J’ai vu qu’il y a quelques choses qui ne sont pas normales dans cette situation :
1. Le fait qu’étant enfant, l’aménagement intérieur qui aurait dû être réalisé avant ma naissance n’a pas été réalisé.
2. Le fait qu’on me dise que je peux le faire, mais qu’on m’impose d’abord de « recoller » quelque chose.
3. Le fait que réaliser cet aménagement intérieur implique de modifier la répartition des charges existantes.
Qu’est-ce que cela peut vouloir dire ? Si on me laisse faire l’aménagement intérieur alors que cela aurait dû être fait avant ma venue au monde, c’est qu’on veut que je me « charge » de quelque chose. Cette répartition des charges que je vais devoir effectuer pour réaliser mon aménagement intérieur, c’est probablement qu’elle implique que je vais devoir partager des charges avec ceux qui supportent les charges de la maison à l’heure actuelle. Or la encore, si je suis une enfant, je ne devrais pas avoir me charger de cela.
Enfin pour l’inconscient le temps n’existe pas : si mes parents me font venir en me disant qu’ils me laissent libre de décider de l’aménagement intérieur, mais qu’ils me donnent finalement un plan de recollement à faire, c’est probablement qu’ils ne voudront jamais que je fasse cet aménagement intérieur. Il n’y a aucune raison de penser qu’une fois que j’aurais fini ce plan de recollement, un autre problème ne surgira pas. Et d’ailleurs, dans l’inconscient, tout est toujours dans une situation d’équilibre, puisque l’inconscient vit dans un monde statique.
Si il y a quelque chose de brisé entre mes parents, si quelque chose est cassé, c’est qu’il est optimal qu’il en soit ainsi. Il n’y a donc aucune raison de penser que je pourrais jamais recoller quoi que ce soit, et il est probable même que ce ne soit pas l’idée : on prétend que je dois faire quelque chose, mais ce n’est probablement qu’un moyen de m’imposer de faire quelque chose que je n’ai pas envie de faire.