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Le refroidissement

Je dois passer le week-end de la Toussaint en famille. J’ai prévu de m’arrêter en cours et de dormir à l’hôtel à une cinquantaine de kilomètres de chez mes parents, pour pouvoir passer une matinée dans la région. Je mangerai ensuite chez mes beaux-parents, passerai l’après-midi avec un ami, et finalement arriverai chez mes parents en fin d’après-midi. J’ai souhaité ne pas parler de mon étape à mes parents.

Le matin, j’oublie mon mobile dans la voiture. Quand je le récupère, je me rends compte que j’ai reçu un « appel en absence » de cet ami. Je suis au volant, et mon mari le rappelle. Mon ami le prévient qu’il est malade et qu’il doit annuler notre rendez-vous. Dans l’heure qui suit, je suis en colère contre tout et tout le monde.

Cet ami a perdu sa mère un jour de Toussaint. Et j’ai remarqué plusieurs fois qu’il était malade quelques jours après. Cela m’a toujours énervé, car je passe souvent quelques jours dans ma région à la Toussaint, et que souvent nous n’avons pas pu nous voir parce qu’il était malade.

Il s’agit d’une émotion négative, d’une colère, extrêmement violente, et spécifiquement dirigée contre des hommes. Mon inconscient est donc en train de voir dans cette « maladie », ou cette « annulation de rendez-vous » une agression.

De quoi s’agit-il ? Nous avons prévu ce rendez-vous de longue date. Il y a donc un homme qui sait parfaitement que il est prévu que nous nous voyons. La dernière fois que je l’ai eu au téléphone, il m’a bien signifié ce qu’il attendait des autres en terme d’amitié et de savoir vivre. D’une manière systématique, il considère qu’on le traite mal et qu’on n’est jamais là pour lui. Il y a un homme pour qui je m’acharne à témoigner des signes d’amitié.

Je cherche à déprojeter cela, mais mon émotion ne tombe pas. C’est donc que mon inconscient voit autre chose dans la situation.

Je creuse plus loin : pourquoi n’est-il pas venu ? Il serait stupide de penser qu’il s’agit d’une attitude envers moi, objectivement. J’en ai parfaitement conscience. La « maladie » de cet ami, c’est-à-dire son « absence », peut facilement s’expliquer par le fait qu’il est toujours malade à l’anniversaire du décès de sa mère, et que j’en subis les conséquences.

C’est-à-dire qu’il y a un homme dont l’attitude envers moi peut s’expliquer comme une réaction à la disparition d’une mère. Pour synthétiser, nous pourrions dire qu’une mère a disparu, et qu’un homme soit prétend que cela le rend malade, c’est-à-dire qu’il ne le supporte pas/soit qu’il s’est refroidi, ou a été refroidi.

Ou pour retrouver l’enchainement logique en gommant la notion de temps :

Une mère disparait / Un homme dit qu’il est malade, ou qu’il a été « refroidi » / Et qu’il ne faut pas compter sur lui, ou que je ne peux pas le voir, à cause de cela.

Replaçons maintenant tout cela dans le contexte familial. Dans ce contexte, maladie, mort, accident, ne comptent pas. Si je suis en colère, c’est qu’il y a agression, contre-vérité, mensonge.

Une mère disparait : oui, mais pour l’inconscient la mort n’existe pas, et le terme de « mère » n’est qu’une fonction. C’est-à-dire qu’il y a une femme, qui pourrait être ma mère, qui n’assume plus sa fonction de mère. Elle choisit donc d’être une femme. Elle a donc disparu ou choisit de disparaitre, en tant que mère.

Suite à la disparition de cette mère, un homme se refroidit. S’il est refroidi, et que ce refroidissement fait suite à la disparition de la mère, et que ces deux manifestations sont systématiquement liées, les deux sont forcément reliés par un lien de cause à conséquence.

On peut dire que si une mère disparait, et qu’il ne reste plus qu’une femme, et que cette femme ne me considère pas comme son enfant, alors elle me voit nécessairement comme une autre femme, et potentiellement comme une rivale.

Le refroidissement de mon père est donc lié à cette « disparition d’une mère», au fait que ma mère ne se soit plus comporté comme une mère, mais comme une rivale.Je dois donc comprendre que si mon père s’est ou a été refroidi, c’est parce que ma mère lui a dit, ou laissé entendre, quelque chose, ou que je dois payer pour une autre femme son comportement vis-à-vis de moi.

Le message de cet ami peut être interprété de deux façons :

-un homme, qui sait que je suis annoncée, se désiste au dernier moment en prétextant qu’il est malade, c’est-à-dire que c’est lui qui a besoin de soin

-un homme prétend qu’il a été rendu malade par le fait qu’une mère a disparu : c’est-à-dire qu’il sait que ma mère me considère comme une rivale, il sait ce qui a été dit ou fait par cette femme, possiblement à mon sujet, et il ne peut plus me voir, il ne me supporte plus. Cela peut éventuellement être compris au sens de « il ne m’offre plus son support » ou « sa protection ».

Dans ma réaction de grande colère dans l’heure qui suit, je traite tous les hommes d’imbéciles, de penser « avec leur cul », etc…

Qu’est-ce que cela veut dire ? Si un homme choisit de montrer un comportement stupide alors qu’il ne l’est pas, s’il pense « avec son cul », alors c’est qu’il pense, oui, mais avec son cul : c’est-à-dire qu’il s’agit de choisir de croire quelque chose parce que ça l’arrange, pour une raison sexuelle.

Mon père a donc choisit de prétendre qu’il ne pouvait plus me voir parce qu’il a été manipulé par une femme qui prétend être ma mère, et qui agit pourtant en rivale, c’est-à-dire en femme. La connaissant, il ne peut pas ignorer ce fait. S’il choisit pourtant de l’ignorer, c’est qu’il y tire un avantage sexuel, et qu’il pense « avec son cul », c’est-à-dire qu’il prend le parti de son cul…

Inutile de dire qu’après une telle analyse, la colère tombe toute seule. Le désistement de mon ami m’est devenu parfaitement indifférent.