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Les travaux

Mon mari et moi avons faits des travaux chez nous. Nous avons entrepris, entre autre, de repeindre notre appartement. Voila deux mois que nous avons commencé, et nous avons vécu dans un chantier permanent pendant tout ce temps. Aujourd’hui, nous savourons notre premier jour de tranquillité. Le plus gros du travail est fait, nous allons fignoler des détails, mais nous estimons avoir plus ou moins fini.

Le jour même, ma mère m’appelle pour me demander de mettre une annonce sur un site internet pour une semaine de studio dont elle est propriétaire dans une résidence de standing. Elle pourrait le faire elle-même, mais déclare ne pas vouloir toucher à l’ordinateur de mon père. Elle aurait trop peur « d’abîmer quelque chose ». Elle pourrait également demander à mon père, mais ne veut pas le faire, sans m’en donner la raison. Et à vrai dire je ne lui demande pas pourquoi elle ne le fait pas.

J’accepte de lui rendre ce service. Toute cette démarche me prend du temps. Elle hésite en ce qui concerne le loyer. Cette année, sa semaine tombe en dehors des vacances scolaires et elle ne sait pas trop quel prix demander. Jusqu’à présent, elle n’a jamais vraiment réussi à louer sa semaine, et elle serait heureuse de simplement le louer le prix des charges, soit 360 euros.

Finalement, elle indique comme prix de location le prix des charges.

Le dimanche, ma mère me rappelle : elle vient de téléphoner à sa sœur. Celle-ci est pleinement propriétaire d’un studio dans la même station de ski, et plus proche des pistes. Ma tante trouve que ma mère a fixé un prix trop élevé, et lui assure qu’elle ne parviendra jamais à le louer à ce prix-là. Elle donne son propre exemple : pour une semaine, ma tante hésite à demander 100 euros à une parente qui serait intéressée par son studio.

Ma mère m’expose l’idée qu’elle a eu : elle renonce à louer son studio. Au lieu de cela, mon père et elle l’occuperont. En fait ce n’est pas exactement cette formulation qu’elle emploie : elle m’annonce qu’elle l’occupera. Cela fait très longtemps que le studio de ma tante doit être repeint. Ma mère et mon père se chargeront de ce travail, avec l’aide, éventuellement, de mon oncle et de ma tante. Ma tante « n’est pas contre ».

Quand j’entends cela, je suis très en colère. Je mentionne à ma mère que si j’avais su qu’elle aimait tant peindre, je lui aurai proposé de venir peindre chez moi. Elle me demande où je l’aurais logé, et je lui rétorque que puisqu’elle était prête à payer pour repeindre, elle aurait pu se payer l’hôtel.

Un peu plus tard, ma mère me demande de vérifier l’état de son compte bancaire, auquel j’ai accès via internet.

Comme je vérifie mes comptes régulièrement, et que je peux voir les comptes de mes parents sur la même page, j’ai une idée relativement claire de leurs finances, du moins de leurs comptes dans cette banque.

Je lui donne une approximation de l’état de ses comptes de mémoire, mais elle me soutient que ce n’est pas possible : elle ne peut pas avoir autant, puisqu’elle a du retirer une très forte somme récemment pour la donner à mon frère. Cette somme elle-même a été l’objet d’un contentieux entre mes parents et moi lors de notre dernière rencontre.

Il s’avère que j’avais raison, à peu de choses près. Le « malentendu » tenait au fait que, alors que je donnais de mémoire les montants sur les différents comptes de mes parents, en commençant par le plus élevé, qui s’avérait être le solde du compte de mon père, ma mère avait « entendu » que les sommes en questions faisait référence à son compte en propre.

Une fois ce malentendu éclairci, elle m’affirme que « de toute façon, le compte de papa et le mien, c’est la même chose ». Ce qui était la raison pour laquelle je n’avais pas fait la distinction. Et de fait, en y repensant aujourd’hui, le solde plus élevé était le « compte épargne » de mon père, ensuite le compte courant commun, puis le compte épargne de ma mère.

Après avoir raccroché, je me sens très triste, et j’ai subitement une forte envie de crever.

Je commence par déprojeter, en analysant le message qui m’a été dit, et en le ramenant sur ma mère. Durant cette première tentative, je tente simplement de décrypter le message implicite donné par ma mère. Après une première tentative dans ce sens, je commence par me sentir plus calme, puis je lance une bordée de jurons contre ma mère.

Cette insulte est très étonnante. Elle fait référence à la maternité. Ce sont des insultes que je n’utilise absolument jamais. Et par ailleurs, le fait que j’insulte spontanément ma mère après avoir analysé et tenté de déprojeter une situation n’est pas bon signe. Il y a donc dans mon interprétation quelque chose qui est faux, un message de mon inconscient que je n’ai pas vu. Mon insulte fait référence à une question de féminité. C’est une insulte dans laquelle la maternité est pris dans son sens le plus péjoratif, comme si ma mère n’avait justement jamais été mère.

Je vais donc partir sur une autre piste : je vais réduire cet épisode à sa plus simple structure, et voir ce qui m’est dit sans chercher à mettre de personne ou de sexe sur les personnes.

De quoi s’agit-il ?

Une personne vient me demander de faire quelque chose pour elle, en prétendant que personne d’autre ne peut le faire. Il s’agit de publier quelque chose sur un bien qu’elle possède, et qui pour l’instant a toujours constitué une charge pour elle.

Je le fais. Le faire me prend du temps et de l’énergie, cela me « coûte ». Elle me pousse à afficher un prix bien inférieur à la valeur réelle de ce bien. Elle me signifie qu’elle ne peut demander plus pour ce bien, étant donné la demande. Nous savons également que si ce prix n’est pas payé, une charge en résultera pour elle.

A la suite de cela, une personne me dit qu’elle a parlé a quelqu’un de sa famille. Cette personne lui affirme que, elle qui possède beaucoup mieux, ne demande pas autant, et que du coup, les prétentions affichées sont exagérées.

Une personne accepte ce que dit cette autre personne qui s’est affichée comme juge. Du coup, elle accepte qu’effectivement, ses prétentions sont exagérées. Et comme il serait stupide de vouloir demander si peu, elle va utiliser le bien qu’elle a, dont elle dispose, qui soi-disant vaut si peu, pour « l’occuper ». Cela lui permettra de « prendre des vacances », mais en fait il s’agit bien de travailler pour quelqu’un d’autre, et d’embellir la propriété de cette autre personne qui s’est érigée comme juge.

La personne propriétaire du bien à embellir déclare qu’elle « n’est pas contre ».

Réduit à cette expression, je vois un certain nombre d’éléments cohérents.

La semaine de studio, c’est moi enfant. Ma mère me signifie qu’elle connait ma valeur, mais affirme que je lui coûte, et que personne ne voudra de moi si j’affiche mon prix véritable. Elle me pousse donc à afficher une valeur moindre que celle à laquelle je pourrais prétendre, ou elle l’affiche pour moi. Elle me persuade que je vaux beaucoup moins que ce qu’on dit, et que personne ne voudra de moi. Elle affirme également qu’elle serait contente si elle pouvait être déchargée de quelque chose qui lui coûte, de ce qui n’a été jusqu’à présent qu’une charge pour elle. Par ailleurs, elle prétend qu’elle ne peut demander ce service qu’à moi : on me demande donc bien d’afficher une valeur moindre que ma valeur réelle, et on veut que cela vienne de moi. J’obtempère, et j’affiche, je publie une valeur moindre que ma valeur intrinsèque.

A la suite de quoi, cette personne me dit qu’elle a parlé à quelqu’un dont elle respecte l’avis. Cette personne dispose d’un bien qui a une valeur bien plus grande que celle de ma mère. Elle en a la pleine propriété.

Cette personne propriétaire de son bien, affiche qu’elle ne demande – n’a demandé – quasiment rien à ses parents, et que du coup ma mère se faisait des illusions sur son bien. Personne ne voudra payer autant, et surtout pas elle. Cette personne, propriétaire de son bien, qui dit qu’elle ne demande, ou n’a rien demandé à mes parents, c’est probablement mon père.

Il y a un domaine dans lequel mon père n’a rien demandé à mes grands-parents : personne ne s’est occupé de lui, il n’a jamais eu aucun problème scolaire, il a toujours été brillant. C’est du moins le discours familial.

Sur ce, ma mère vient me dire que je suis encore trop chère : elle veut que je retire mon prix – c’est-à-dire que je renonce à demander quoi que ce soit, que je n’affiche aucune valeur, ou ce qui revient au même, que j’affiche une valeur nulle, ou que je laisse tomber mon annonce, que je l’oublie.

Ensuite elle vient me dire qu’effectivement, elle s’est rendue à l’évidence : son bien n’a aucune valeur, ou est beaucoup trop cher. Elle va « l’occuper » et profiter du fait qu’elle peut l’occuper gratuitement pour travailler à embellir le bien de la personne qui justement l’a conseillée. Cette personne dit qu’à ces conditions, « elle n’est pas contre ». C’est-à-dire qu’elle ne sera pas hostile à quelque chose. Cela sous-entend qu’elle aurait pu être hostile dans d’autres circonstances, mais qu’à ces conditions, justement, elle n’est pas hostile.

Ma mère a donc acheté la non-hostilité de mon père en s’occupant de nous, en ne lui demandant pas de nous occuper, ou que nous lui demandions quoi que ce soit. Quand je colle cette interprétation à mon émotion, l’émotion tombe complètement.